Les graines de pavot sont issues de la plante Papaver Somniferum. C’est à partir de cette plante que sont fabriqués un certain nombre d’opiacés (dérivés de l’opium) licites ou illicites : morphine, codéine, héroïne…

Ces mêmes graines de pavot sont aussi utilisées dans la confection de produits de boulangerie (pains, sandwichs, brioches, …). On peut donc se demander si la consommation de ce type de produits peut impliquer des effets cliniques ainsi qu’une positivité à un test de dépistage aux opiacés.

graines de pavot

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L’opium comme médicament ou drogue

Il existe différents types de pavots mais c’est ici le Papaver Somniferum qui nous intéresse. Celui-ci produit une fleur dont les capsules, une fois incisées, exsude un liquide communément appelé l’opium. Dans l’imaginaire collectif, le nom d’opium est souvent associé à la Chine ou à des artistes identifiables comme Baudelaire ou Verlaine, et à une époque révolue mais pas si lointaine que ça.

Cela fait des millénaires que cette substance est utilisée par les hommes pour ses propriétés pharmacologiques, notamment sédatives et analgésiques. Aujourd’hui encore, on l’utilise à des fins thérapeutiques sous la forme médicamenteuse (morphine, codéine, lamaline, tramadol, …) ou dans le cadre d’un usage illégal avec de l’héroïne.

Les alcaloïdes de l’opium, c’est-à-dire les molécules extraites du latex du pavot (morphine, codéine…), peuvent être très efficaces dans le cadre d’une prise en charge de la douleur, mais aussi très addictives. En effet, une accoutumance peut rapidement être observée, c’est-à-dire que progressivement, l’effet recherché sera moins fort, contraignant ainsi le consommateur à augmenter les doses pour retrouver l’effet initial.

Quels liens entre graines de pavots et opiacés ?

La plante Papaver Somniferum peut être cultivée pour un usage thérapeutique mais aussi alimentaire ; dans ce dernier cas, ce sont les graines de pavot qui sont récoltées.

En tant que telles, les graines de pavot ne contiennent pas d’alcaloïdes de l’opium ou très peu. Cependant, une contamination est possible à cause d’insectes, ou lors de la récolte, si des poussières issues de la capsule adhèrent aux graines de pavot.

En 2019, l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) est alerté par les Centres antipoison d’une contamination de sandwichs au pavot par de la morphine. En effet, des salariés d’une entreprise de transport avaient été testés positifs aux opiacés. Niant toutes consommation de médicaments ou de produits illicites, le laboratoire chargé de l’expertise avait alors établi un lien entre les résultats des analyses et la consommation de sandwichs aux graines de pavot par les conducteurs. Des analyses de ces graines ont confirmé les interprétations pressenties : un taux anormalement élevé de morphine, de codéine et de thébaine avait alors été relevé.

Le personnel du laboratoire en question a poussé plus loin l’expérience en consommant lui-même les sandwichs au pavot et en se testant par la suite. Le constat fut sans appel : de la morphine fut retrouvée dans les urines et la salive de tous les participants à l’expérience, et ce, de manière significative.

Les produits en question ont été retirés du marché immédiatement, et l’Anses a rapidement alerté les consommateurs par un communiqué stipulant qu’il fallait éviter la consommation de produits de boulangerie contenant des quantités importantes de graines de pavot, surtout avant une activité nécessitant une attention soutenue…

Cet évènement a donc soulevé la question du contrôle nécessaire des produits contenant des graines de pavot et de la teneur en alcaloïde d’opium de ces dernières. D’autant qu’au-delà de la positivité à un test de dépistage, se posait la question des effets. Peut-on, en consommant des graines de pavot, ressentir les mêmes effets qu’en consommant de la morphine ?

Il se trouve que cette même année 2019, un cas d’intoxication aux graines de pavot a été remonté.  Une personne consommant du pain au pavot quotidiennement depuis plusieurs années présentait des signes cliniques spécifiques d’une consommation d’opium tels que des vertiges, de la somnolence ou de la tachycardie. L’arrêt de la consommation de ce pain avait par ailleurs produit des effets typiques d’un syndrome de sevrage (sueurs, tremblements…).

La règlementation : peut-on désormais manger des graines de pavot sans crainte ?

Des bonnes pratiques avaient déjà été émises pour réduire la teneur des graines de pavot en morphine, codéine et autre alcaloïdes opiacés par la commission européenne, ce qui montre que le problème était déjà connu. Le nettoyage, le lavage, le trempage ou la température de cuisson peuvent en effet réduire voire supprimer complètement la présence de morphine ou de codéine dans les graines de pavot. Mais seul une réglementation concernant la morphine existait. En 2019, une enquête analyse 31 échantillons de produits contenant des graines de pavot, dont 7 seront considérés comme impropre à la consommation.

En 2020, il était donc recommandé pour le consommateur d’être vigilant et de limiter sa consommation de produits contenant des graines de pavot, puisque la réglementation ne permettait pas encore de contrôler pleinement les produits. Mais depuis juillet 2022, les fournisseurs de graines de pavot doivent désormais informer les producteurs de produits de boulangerie de la teneur en morphine et en codéine de ces graines, qui au sein de l’union européenne, doivent se retrouver en dessous d’un certain seuil (20mg morphine/kg avec un rapport de 0,2 pour la codéine).

Il était déjà rare avant de pouvoir se retrouver positif à un test de dépistage aux opiacés suite à une consommation de graines de pavot. On peut considérer aujourd’hui qu’il serait quasiment impossible de l’être au regard des contrôles qui s’appliquent dans l’Union Européenne.

Réaliser un dépistage alcool & drogues

Maîtriser les procédures et la posture managériale dans le cadre d’une opération de dépistage

Le dépistage en entreprise et les recours face à un test de dépistage positif

L’employeur a le droit de procéder à des tests de dépistage de produits psychoactifs sur le lieu de travail si ces dispositions sont prévues dans le règlement intérieur. Ces mesures doivent être proportionnelles au but recherché et se justifient au regard de l’exposition à un danger en raison de la nature du travail à effectuer.

Concernant les opiacés, il est possible pour l’employeur, au même titre que d’autres produits psychoactifs (alcool, cannabis, cocaïne…) de tester un salarié à l’aide d’un test de dépistage salivaire. En effet, malgré le caractère légal des médicaments à base d’opium tels que la codéine, la morphine, la tramadol, la lamaline…

Ces molécules ont des effets secondaires puissants (baisse du niveau de vigilance, somnolence, augmentation des temps de réaction…) qui rendent leur consommation incompatible avec la conduite et donc de ce fait, incompatible avec la réalisation d’une activité professionnelle pour laquelle une diminution des capacités cognitives représenterait un grave danger.

D’ailleurs, au regard du Code de la santé publique, un salarié ayant ce type de prescription a 3 obligations :

  • Lire la notice du médicament qui lui est prescrit

  • Préciser au médecin prescripteur le poste tenu dans le cadre de son travail

  • Informer la médecine du travail de sa prescription

Le médecin du travail est en effet le seul à pourvoir dire si un traitement est compatible avec la tenue d’un poste en toute sécurité. En cas d’accident, si un salarié n’a pas pris ces 3 mesures, il pourrait être considéré comme pénalement responsable, s’il est prouvé qu’il était sous l’emprise d’un médicament opiacé (ce qui est valable pour d’autres médicaments psychoactifs pour lesquels un pictogramme de niveau 2 ou 3 est indiqué).

Mais le code du travail ne donne pas les pleins pouvoir à l’employeur en matière de dépistage. Ce dernier ne peut pas tester n’importe quel salarié dans n’importe quelles conditions. Les tests de dépistage peuvent être pratiqués que dans certains cas et il est obligatoire que ceux qui les réalisent soient habilités à le faire, et formés à l’utilisation de ces tests.

Les tests salivaires testent une consommation récente et n’ont pas une valeur d’examen biologique ; la réglementation prévoit donc pour le salarié la possibilité de contester les résultats par le biais d’une contre-expertise biologique à la charge de l’employeur (arrêt du Conseil d’État du 5/12/2016).

Dans l’hypothèse où une consommation de graines de pavot aurait impliqué la positivité à un test salivaire, la recherche de la thébaine par un laboratoire d’analyse biologique permettrait de mettre en évidence la consommation de graines de pavot, et non de médicaments de type opiacés, ou d’héroïne. En effet, la thébaine n’est pas présente dans ces produits psychoactifs et on la retrouve uniquement dans les graines. Mais comme il a été dit, le risque d’être positif à un test d’opiacés après avoir consommé des graines de pavot est proche de zéro.

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A propos de l'auteur :

Flore AZZOUZ est psychologue du travail et des organisations. Elle est formatrice pour le groupe GAE depuis 2023. Elle intervient dans le cadre de sensibilisation des salariés au risque de consommation de produits psychoactifs, en lien avec les risques inhérents à leurs métiers. Elle forme aussi des managers à ce risque et à l’utilisation de test dépistage, en vue de leur habilitation.