Qu’est-ce que la démission silencieuse ?

La « démission silencieuse » ou « quiet quitting » est une nouvelle terminologie pour décrire un phénomène déjà existant. De manière préventive ou réactionnelle, cette expression est utilisée quand on établit des limites pour se prémunir de l’épuisement professionnel.

Parler de « démission silencieuse » est trompeur car les « démissionnaires » ne quittent pas leur emploi, ils réalisent ce pour quoi ils sont payés, rien de plus. Il n’y a pas encore suffisamment de recul pour mesurer de manière fiable la réalité définie par ce phénomène, mais il s’agit d’un désengagement des collaborateurs et d’une simple application des termes d’un contrat.

démission silencieuse au travail

Le besoin de changement dans son rapport au travail s’avère être un ressenti de plus en plus présent. Il ne s’agit pas d’une démission où un employé quitterait son emploi, mais fait référence au fait de respecter ses obligations contractuelles et de ne plus se surinvestir dans son travail. Les personnes se retirent d’un surinvestissement qui porterait préjudice à leur santé et à leur équilibre vie privée / vie professionnelle.

Dans la lignée de la « Big Quit » qui a frappé les États-Unis l’année dernière, la « démission silencieuse » vient à son tour révéler quelque chose de la relation au travail et de l’engagement des collaborateurs : ne plus passer à côté de sa vie privée à cause du travail et s’épanouir professionnellement sans tout sacrifier.

Les conséquences d’un mal être au travail

La « démission silencieuse » peut être considérée comme une conséquence ou un moyen de défense contre un mal être au travail et des phénomènes comme le présentéisme, burn-out, bore-out ou brown-out.

En effet de plus en plus de collaborateurs peuvent souffrir d’addiction au travail, le workaholisme étant une addiction comportementale encore peu connue. Une personne workaholique, se réfère aux personnes dont le besoin de travailler est devenu si fort qu’il pourrait constituer un danger pour leur santé, pour leur bien être personnel et pour les relations interpersonnelles (Oates, 1968). Le caractère pathologique de cette addictionse situe là où l’individu ressent une pression interne l’obligeant à travailler.

Le workaholisme est la conséquence de plusieurs facteurs de risques, provoquant des conséquences elle aussi :

1 – Sur la santé

  • Burn out : épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel

  • Anxiété, dépression, insomnie, troubles musculosquelettiques

  • Consommation de substances psychoactives : tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes, cocaïne…

En effet, nous pouvons nous questionner sur, le travail est-il un facteur de risque ou de protection par rapport aux substance psychoactive ? dans le cas du workaholisme, le surinvestissement peut entrainer la consommation de substance psychoactive pour tenir. Mais au contraire, le désintérêt de son poste ou la démission silencieuse peuvent elles aussi entraîner des consommations plus importantes.

2 – Sur la famille

  • Perte d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle

  • Négligence de la vie privée familiale, amicale ou loisirs au profit du travail

3 – Sur le milieu professionnel

  • La démission silencieuse pouvant être vue comme une solution pour se préserver. Elle peut alors être la seule possibilité pour les collaborateurs afin de sortir d’une addiction au travail

Un phénomène de grande ampleur

Ce phénomène gagne en popularité et est popularisé en 2022 notamment grâce aux réseaux sociaux. Plusieurs raisons peuvent aussi jouer en sa faveur comme le télétravail.

Le besoin de concilier vie privée et vie professionnelle aurait été renforcé par les nouvelles habitudes de travail, le télétravail. Avec ces nouvelles pratiques, les besoins ont évolué : le collaborateur veut que les valeurs de l’entreprise soient en adéquation avec les siennes, cherche à trouver un réel sens à son travail et souhaite que les frontières entre sa vie privée et sa vie professionnelle soient respectées. L’investissement dans son travail ne se fait plus au détriment de sa vie privée, il respecte alors sa fiche de poste sans chercher à se surpasser. En ralentissant la cadence et en favorisant son bien-être mental, l’employé cherche à se prémunir contre une forme de mal-être au travail.

La démission silencieuse permet de réfléchir sur plusieurs questionnements. Ce serait l’occasion de redéfinir ce que veut dire pour soi « être productif » et « bien faire son travail » afin d’établir des modalités adaptées pour ne plus subir des contraintes. Par exemple, dire non à des tâches qui ne font pas partie de son périmètre, refuser de répondre à des mails et messages en dehors de ses heures de travail. De plus, cela pourrait redéfinir qu’être moins engagé émotionnellement et psychologiquement ne veut pas dire être moins engagé dans son travail.

Prévenir les risques psychosociaux

La « démission silencieuse » peut manifester d’une volonté de préserver sa santé mentale et physique avec comme enjeu pour l’entreprise, l’évitement des risques psychosociaux. Il est primordial en tant qu’employeur de les prendre en compte afin de continuer à avoir une performance favorable et la motivation des collaborateurs.

Plusieurs moyens existent afin de sensibiliser les salariés sur ce phénomène qui touche au final d’autres sujets au sein du travail encore peu connue en France :

  • Politique de prévention interne: prévenir sur les conduites addictives de manière générale mais aussi sur les risques psychosociaux, permettant de préserver la santé mentale des collaborateurs

  • Sensibilisation des salariés : discussion en groupe autour des différentes pratiques addictives de manière ludiques et interactives. Cet exercice permet de casser les idées reçues et de se poser des questions sur les pratiques qui nous entourent et de découvrir des addictions.

  • Formation managériale: les formations managériales concernant la mise en place d’une politique de prévention sur les risques psychosociaux et particulièrement sur les conduites addictives, mais aussi la sensibilisation sur les risques liés à ses pratiques. L’objectif est aussi de pouvoir agir plus rapidement et facilement lorsqu’on repère des signes d’alerte chez un collègue.

  • Communication: sur un sujet aussi peu connu comme la « démission silencieuse » et sur les différentes causes et conséquences d’une addiction. Il est possible de communiquer dessus en entreprise lors de différents points d’échanges ou lors de journées sécurités.

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A propos de l'auteur :

Amélie STAHL est consultante pour le cabinet GAE Conseil et psychologue du travail. Elle est titulaire d’un Master en psychologie social, du travail et des organisations. Au cours de ses premières expériences, elle développe des compétences lui permettant d’animer des groupes de travail, des formations et des sensibilisations auprès de collectifs et d’organisations.