La consommation de médicaments et de drogues n’a cessé de croître ces dernières années. Pour alerter sur ce problème de santé public, la communication sur ce thème dans l’espace public s’est accrue. Des termes alors réservés aux experts sont apparus dans le langage courant sans qu’ils soient toujours correctement compris. Cet article vise à définir ce qu’est un psychotrope et les classifications de ces types de substances. D’éclairer sur leurs effets indésirables et leur nocivité, et d’alerter sur les conséquences de la consommation de ces produits sur le travail et les actions qui peuvent être prises.

visuel psychotrope

Toute substance chimique agissant sur le système nerveux central est définie comme psychotrope. Son action modifie le fonctionnement du cerveau en ciblant les mécanismes neurobiologiques dans différents substrats cérébraux. Cela induit des effets sur la perception, la cognition, les sensations, le comportement et l’humeur.

Cette définition s’applique aux médicaments comme aux drogues. Ce qui différencie les médicaments des drogues dites « récréatives », c’est que ces dernières sont consommées pour les effets psychotropes qu’elles produisent, mais cet usage récréatif peut parfois se retrouver avec les médicaments. En effet, si les médicaments psychotropes sont administrés dans un but thérapeutique, leur usage peut être détourné pour obtenir l’effet psychotrope recherché, qu’il soit festif ou de performance. Certains effets psychotropes peuvent être également involontairement induits par un mauvais usage :  automédication, surdosage, interactions médicamenteuses, contre-indications, …

Si l’on connait les effets psychotropes associés à chaque substance, il est important de comprendre que ces effets varient selon les personnes, cela dépend du type de la substance administrée (nature, dose, fréquence), de l’individu (son état de santé physique et psychologique), mais aussi d’autres facteurs tels que la présence de comorbidité et de traitements en cours.

Quelles sont les différentes catégories des psychotropes ?

Il existe différentes classifications des produits psychoactifs selon l’axe d’étude. Pour ce qui concerne le sanitaire et social, la catégorisation se base sur les risques liés à l’usage ; d’un point de vue juridique, il s’agit de définir la réglementation qui encadre la production, le commerce et la consommation des produits. Et sur le plan médical, ce sont les effets thérapeutiques qui sont pris en compte, quatre classes de psychotropes ont été définies :

  • Les psycholeptiques ont une action sédative sur le psychisme. C’est dans cette classe de psychotropes que l’on trouve les anxiolytiques (tranquillisants) qui traitent les manifestations subjectives, émotionnelles ou encore somatiques de l’anxiété. Ces substances agissent sur les symptômes mais n’ont aucune action sur l’origine du trouble ; les hypnotiques (somnifères) qui induisent et/ou régulent le sommeil ; les neuroleptiques agissent sur les états psychotiques (délires, hallucinations) mais peuvent également être prescrits pour des troubles neurologiques et endocriniens.
  • Les psychoanaleptiques ont une action stimulante (antidépresseurs et stimulants de la vigilance).

  • Les normothymiques régulent l’humeur (trouble bipolaire).
  • Les psychodysleptiques regroupent les perturbateurs du fonctionnement psychique pouvant entraîner une dépendance (cannabis, amphétamine, LSD, opiacés, cocaïne, …)

Quels sont les effets indésirables des psychotropes ?

Les effets indésirables des psychotropes varient selon le produit, la dose, la fréquence, la durée du traitement et la sensibilité de l’individu. Toutefois, les effets secondaires de certains médicaments en raison du mode d’action sont bien connus.

  • Les benzodiazépines auxquelles appartiennent la grande majorité des anxiolytiques et des hypnotiquesentraînent des troubles de la vigilance (somnolence) , une hypotonie musculaire (diminution des réflexes) et des troubles cognitifs (troubles de la mémoire, ralentissement de la vitesse de traitement), un risque de dépendance existe si la prise dure au-delà des recommandations (12 semaines maximum pour les anxiolytiques et 4 semaines pour les hypnotiques) et un effet rebond (réapparition des symptômes parfois avec une intensité majorée) si le traitement est brusquement interrompu au lieu d’être diminué progressivement.
  • Les neuroleptiques ont de nombreux effets indésirables. On observe des troubles neurologiques (rigidité, tremblements), endocriniens (règles, problèmes sexuels), cardiaques, digestifs, neurovégétatifs (sécheresse, salivation, hypotension, vision floue), hématologiques, dermatologiques (sensibilité au soleil), mais aussi une somnolence, un trouble de l’humeur (dépression, anxiété), des troubles cognitifs et des effets psychodysleptiques.
  • Les antidépresseurs, il en existe 5 types qui ont chacun un mode d’action : les tricycliques, les ISRS (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine), les IRSNA (inhibiteur de la sérotonine et la noradrénaline), les IMAO (Inhibiteur de la monoamine-oxydase) et les atypiques. Cette large variété de médicaments permet de traiter non seulement le trouble dépressif mais également d’autres troubles psychiques souvent associés : l’anxiété généralisée, les attaques de panique (et phobies), le stress post-traumatique, l’alcoolisme et les toxicomanies, les troubles du sommeil, les troubles compulsifs (TOC), l’anorexie mentale, les douleurs (et troubles psychosomatiques), les troubles sexuels, etc… Les effets indésirables régulièrement observés varient selon les familles d’antidépresseurs : troubles neurovégétatifs (sécheresse, hypersudation, hypotension ou hypertension, arythmie, troubles visuels, céphalées, …), digestifs (vertiges, nausées, troubles gastriques et intestinaux), cognitifs (somnolence, troubles mnésiques, confusion), troubles du sommeil (insomnie) et risque de dépendance.

Pour ce qui concerne les psychotropes autres que les médicaments, le choix du produit dépend de l’effet recherché. Pour stimuler l’activité cérébrale sans altérer la conscience les produits consommés sont le café, le thé, la nicotine, les boissons énergisantes, les amphétamines, la cocaïne et ses dérivés ; Pour obtenir un effet de détente, de calme et de désinhibition, ce sera par exemple l’alcool, les solvants, les opiacées ; Et l’effet hallucinogène est obtenu avec du LSD, de la MDA, du THC, de la Kétamine entre autres. Tous ces produits produisent des effets secondaires à leur consommation :

  • L’alcool entraîne agitation, ralentissement idéomoteur, manque de coordination, somnolence, des troubles perceptif, mnésique et attentionnel.

  • La caféine génère agitation, anxiété, insomnie, hypertension artérielle. Troubles auxquels on peut ajouter hallucinations et cardiopathies pour les amphétamines et la cocaïne.

  • Le cannabis augmente l’appétit, provoque une vasodilatation des vaisseaux sanguins (effet yeux rouges), des troubles attentionnels et mnésiques, et peut déclencher une psychose.

  • LSD et Kétamine entraînent désorientation, confusion ou dissociation ; MDA et NDMA, état anxieux, hallucinations, crampes musculaires.

Mais tous sont susceptibles d’engendrer une dépendance physique et/ou psychologique dont les conséquences biopsychosociales peuvent être bien plus graves et dangereuses que les effets secondaires immédiats.

Quels sont les psychotropes les plus dangereux ?

Tous les médicaments sont potentiellement dangereux si la prise ne respecte pas la prescription établie par le médecin. C’est donc le mésusage des médicaments qui est dangereux. Par mésusage, on entend un usage hors cadre, c’est-à-dire non médical ou détourné voire abusif. Les médicaments psychotropes concernés sont les antidouleurs, les psychostimulants, les anxiolytiques et les hypnotiques. Les motivations sont de trois ordres : l’automédication, la performance et l’usage récréatif. Le recours à l’usage hors cadre des médicaments est facilité par le fait que ces substances licites véhiculent des garanties de sécurité et qu’elles sont fortement présentes dans l’environnement de chacun.

Tous les médicaments n’ont pas le même mode ni la même durée d’action. Certains ne se combinent pas entre eux, et tous ont des effets indésirables qui peuvent être potentialisés par d’autres molécules.  Les médicaments sont prescrits dans un cadre médical tenant compte de plusieurs facteurs : une seule pathologie ou polypathologies, âge, état de santé général, contexte socio-professionnel conditionnent la forme, la posologie (dosage et fréquence) et la durée d’un traitement médicamenteux. Leur usage doit être médicalement encadré.

Concernant les drogues « récréatives », elles présentent toutes potentiellement des conséquences négatives sur les plans sanitaire et social. Le profil pharmacologique de dangerosité permet de caractériser les substances selon trois critères : la toxicité somatique, le pouvoir de modification psychique et le potentiel addictif. Cette représentation facilite une prise de conscience sur les risques encourus quant à la consommation de certains produits psychoactifs.

profils de dangerosité psychotropes

Les risques engendrés de la consommation de psychotropes au travail ?

La consommation de psychotropes a des effets sur la cognition et les comportements. Se pose donc la question des conséquences de cette consommation sur le travail, en termes de santé, sécurité et performances. La prévention est reconnue comme étant l’action la plus efficace.

La prévention primaire permet d’apporter de l’information aux salariés sur les effets d’une consommation sur leur santé, la mise en danger individuelle et collective, et donc leur responsabilité, et les acteurs de santé au travail, mais aussi en ville, pouvant les aider.

Les effets sur la cognition (troubles de la concentration, vigilance, réactivité, perception, coordinations motrice, …), l’humeur (agressivité, impulsivité, …), les relations interpersonnelles, les performances sont bien documentées.

Il est essentiel d’informer pour aider à prendre conscience, mais aussi à identifier des comportements ou des conduites susceptibles d’engendrer des situations dangereuses. Les enjeux de santé et de sécurité au travail relèvent d’une responsabilité individuelle et collective.

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A propos de l'auteur :

Ilhem Touidjine est psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie et psychothérapeute orientée thérapies comportementales et cognitives. Elle réalise des évaluations et de la rééducation cognitives, elle accompagne les personnes confrontées à des difficultés psychologiques dans le cadre personnel et professionnel (souffrance au travail) et présentant des troubles psychiatriques, troubles de l’humeur et de l’anxiété, les psychotraumatismes et les addictions.