L’usage de substances psychoactives au travail est un phénomène qui soulève des questions complexes. Si la santé au travail a longtemps été abordée à travers les risques qu’elle représente pour la performance des entreprises, aujourd’hui ce paradigme tend à évoluer. Le travail, et par conséquent la culture d’entreprise, les conditions et l’organisation du travail, sont davantage considérés comme déterminants pour la santé des employés. La question est donc la suivante : pour quelles raisons tant de travailleurs ont-ils recours à des substances telles que le tabac, le café, l’alcool ou des médicaments psychotropes et antalgiques, et comment prévenir le développement d’une dépendance ?
La consommation de café, de tabac, d’alcool, de médicaments stimulants, voire de substances illicites, est parfois perçue comme un moyen de maintenir ou d’améliorer la performance professionnelle. Bien que divers facteurs puissent accentuer les usages de substances psychoactives sur le temps et/ou le lieu de travail, reconnaître ces usages et leurs implications pour la santé et la sécurité au travail, permet d’agir et de promouvoir un environnement de travail plus sain et plus soutenant.
Peut-on parler de « dopage » ?
Dans leur ouvrage Se doper pour travailler, paru en 2017, les auteurs Crespin, Lhuilier et Lutz explorent les liens étroits entre conditions de travail et conduites addictives, et avancent notamment la notion de « dopage » en milieu professionnel. Ils y étudient comment des personnes en emploi utilisent des substances psychoactives pour améliorer leurs performances au travail, gérer le stress, ou rester fonctionnels dans des environnements professionnels exigeants et parfois oppressants.
Les auteurs étendent cette pratique de « dopage » généralement associée au sport, à certaines pratiques dans le monde du travail où les pressions et les attentes croissantes poussent les individus à chercher des moyens de s’adapter à des conditions qu’ils perçoivent comme insupportables. Le phénomène du dopage au travail est alors défini dans l’ouvrage à travers quatre fonctions professionnelles de l’usage de substances psychoactives.
Voici les 4 raisons établies par les auteurs pour lesquelles les professionnels consomment des substances psychoactives :
1) Pour s’anesthésier
La nécessité de s’anesthésier, à la fois physiquement et psychiquement, ressort comme l’une des 4 fonctions des usages des produits psychoactifs en milieu professionnel. Cela se caractérise par différents motifs :
2) Pour se stimuler
La deuxième fonction professionnelle de la consommation de substances psychoactives est le besoin de se stimuler, s’euphoriser et se désinhiber, qui permet aux salariés de :
3) Pour récupérer
La récupération est l’une des fonctions professionnelles des usages de produits car certains employés consomment des substances psychoactives afin de restaurer leurs capacités physiques et mentales après une journée de travail. Cette fonction a pour caractéristique la volonté de :
4) Pour s’intégrer
Pour s’intégrer socialement dans un collectif de travail et entretenir des liens professionnels, il est courant de consommer des produits psychoactifs entre collègues. Les raisons à cela sont, entre autres, les suivantes :
Dans le cadre d’afterworks ou de déjeuners d’affaires, on retrouve souvent de l’alcool par habitude sociale, ou par norme dans la culture de beaucoup entreprises. La présence d’alcool vient renforcer l’atmosphère de détente et de convivialité, simulant une coupure entre l’exercice du travail et les situations sociales informelles du monde professionnel.
À cet effet, il est essentiel de développer une politique de prévention des conduites addictives adaptée à chaque entreprise, afin de garantir la santé, sécurité et qualité de vie de tous les salariés. GAE Conseil accompagne les entreprises dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur politique interne, notamment sur l’évolution règlementaire, la rédaction des protocoles de gestion (par exemple dans la gestion des pots avec alcool etc.). Cet accompagnement participe à instaurer les bonnes pratiques afin de garantir la santé-sécurité au travail, à travers le respect des évolutions règlementaires, la formation du personnel encadrant et la sensibilisation de l’ensemble des salariés.
L’intérêt de reconnaître ces pratiques pour les prévenir
Pour toutes ces raisons, l’usage de substances psychoactives au travail dépasse la simple mise en danger de la performance de l’entreprise ; et vient répondre à l’impératif de la performance individuelle animée par des motivations complexes. D’une part, la dimension productive où l’efficacité prime, parfois en dépit des circonstances professionnelles et personnelles. D’autre part, une dimension sociale et relationnelle, où l’acte de consommer peut devenir vecteur d’appartenance au collectif.
Cette complexité entre facteurs individuels, organisationnels et culturels, souligne le rôle crucial de de l’entreprise dans la prévention des conduites addictives. Lorsque certaines pratiques sont banalisées et quelquefois encouragées professionnellement, elles peuvent engendrer le développement d’une dépendance à un produit chez un salarié, et impacter toutes les sphères de sa vie.
Reconnaître les motivations derrière les usages de substances psychoactives au travail contribue à réduire la nécessité de tels recours, promouvoir un environnement plus équilibré et favoriser un climat de bien-être au travail. Dans la pratique, ceci passe particulièrement par la mise en place d’une politique globale de prévention des conduites addictives et de promotion de la santé au travail, où tous les acteurs sont concernés.