Selon la législation française, et plus précisément le Code du Travail, il existe de nombreuses situations dans lesquelles un salarié peut être considéré comme « inapte » à son poste de travail. Cela peut faire suite à un accident du travail, un accident non professionnel ou encore une maladie. Or, l’alcoolisme entre dans cette troisième catégorie et peut donc faire l’objet d’un avis d’inaptitude. De quoi s’agit-il exactement ? Qui en décide ? Quelles sont les conséquences ? Nous nous intéressons de plus près à tout ce qui concerne l’inaptitude au travail pour alcoolisme.

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Inaptitude médicale au travail : de quoi parle-t-on ?

Avant d’aller plus loin, il paraît important de bien comprendre ce qu’est une inaptitude médicale au travail. On peut la définir comme une situation dans laquelle l’état de santé du salarié n’est plus compatible avec son poste, et dans laquelle l’employeur ne peut pas mettre en place d’actions pour aménager le poste de travail en question.

Autrement dit, alors que le salarié pouvait auparavant exercer son métier comme il se doit, il n’est désormais plus en capacité de le faire.

Il ne faut donc pas confondre l’inaptitude au travail avec :

  • L’incapacité de travail, provoquée par un accident ou une maladie professionnel(le), indiquant qu’un individu n’est plus en capacité d’exercer une quelconque activité salariale (et non seulement l’activité qui concerne son poste), selon le code la Sécurité Sociale. L’incapacité peut mener à un arrêt de travail, établi par le médecin traitant.

  • L’invalidité, là aussi régie par le code de la Sécurité Sociale, faisant état d’une capacité de travail réduite d’au moins 2/3, et ne résultant pas d’un accident ou d’une maladie d’origine professionnelle.

Pourquoi l’addiction à l’alcool peut-elle entraîner une inaptitude au travail ?

Notons d’abord ici une différence très claire entre le fait d’être en état d’ébriété sur son lieu de travail et la maladie qu’est l’alcoolisme. Un employeur n’a pas le droit de laisser « entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse », sous peine d’une forte amende. L’employeur peut considérer que des salariés qui veulent entrer sur le lieu de travail en état d’ébriété commettent une faute grave et décider du licenciement.

Pour autant, il est possible qu’une personne dépendante à l’alcool ne soit pas ivre durant ses heures de travail, mais que cela entraîne tout de même une inaptitude au travail. Pour quelles raisons ? Parce que la consommation excessive d’alcool et la dépendance à cette substance peut avoir de nombreuses retombées sur la santé physique et mentale :

  • troubles cognitifs: troubles de l’attention, de la concentration, de la mémoire, de l’humeur, etc. ;

  • difficultés relationnelles ;

  • sommeil fragilisé et fatigue diurne, somnolence;

  • pertes d’équilibre et chutes, etc.

Ce ne sont ici que quelques exemples, qui montrent clairement que l’alcoolisme peut être incompatible avec certaines activités professionnelles. Que ce soit pour la sécurité du travailleur concerné et de ses collègues, pour la bonne exécution des tâches, pour le climat social au sein de l’entreprise, etc.

Sans compter que la dépendance à l’alcool est aussi un facteur de risque de nombreuses maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, etc.), qui peuvent elles-mêmes entraîner une inaptitude.

Il est bon aussi de noter que l’avis d’inaptitude a aussi vocation à protéger le travailleur. Par exemple, si une ou plusieurs des tâches qu’il doit effectuer remettent en cause sa guérison ou font courir des risques pour sa santé.

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Comment est décidée l’inaptitude pour une personne dépendante à l’alcool ?

Seul le médecin du travail est en mesure de prononcer l’inaptitude d’un salarié dépendant à l’alcool. L’alcoolisme peut être détecté lors d’une consultation de routine, mais un examen d’inaptitude peut aussi être réalisé à la demande du salarié ou de l’employeur. Plusieurs étapes sont alors requises pour émettre l’avis d’inaptitude :

  1. Un examen médical au moins, qui peut être complété par d’autres examens.
  2. Une étude du poste de travail, pour en connaître les conditions, les tâches précises à exécuter, et ainsi déterminer les mesures d’aménagement réalisables.
  3. Une étude des conditions de travail au sein de l’entreprise, qui doit être datée.
  4. Un échange avec l’employeur, pour évoquer les conditions actuelles et les possibles aménagements du poste.

Si le médecin du travail détermine que le poste n’est pas compatible avec la situation de dépendance à l’alcool du salarié, et qu’aucun aménagement n’est possible, alors il déclare un avis d’inaptitude. Il doit alors rédiger un document écrit dans lequel figurent ses conclusions. Il peut aussi y faire figurer une mention selon laquelle la poursuite d’une activité professionnelle serait préjudiciable à la santé du travailleur ou que son état de santé ne lui permet pas non plus d’être reclassé à un autre poste.

À noter qu’il existe des inaptitudes temporaires et des inaptitudes définitives. Dans le cas d’une personne alcoolique ayant entamé un parcours de soin, le médecin pourra décider d’une inaptitude temporaire, qui sera revue à une échéance donnée.

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Quelles sont les conséquences d’un avis d’inaptitude pour alcoolisme ?

Lorsqu’une personne est déclarée inapte du fait de son addiction à l’alcool ou à cause de tout autre problème de santé, plusieurs cas de figure peuvent se présenter. D’abord, l’employeur comme le salarié ont le droit de contester la décision du médecin, sous 15 jours après la déclaration d’inaptitude au travail. Si la décision est acceptée ou confirmée après recours, les conséquences sont les suivantes :

  • L’employeur doit proposer un aménagement ou une modification du poste de travail, afin qu’il redevienne compatible avec ses conditions de santé.

  • Si aucune adaptation du poste n’est possible, il est alors de la responsabilité de l’employeur de reclasser le salarié considéré comme inapte. Autrement dit, il doit proposer un autre emploi au sein de l’entreprise qui répond aux capacités du salarié, selon les préconisations du médecin, et dont les missions sont proches de l’emploi précédent.

  • Lorsque le reclassement est impossible, ou si le salarié le refuse, l’employeur peut alors procéder au licenciement pour inaptitude.

En fonction des situations (contrat à durée déterminée ou indéterminée, nombre congés payés acquis non posés, etc.), le travailleur licencié pour inaptitude reçoit alors une indemnité de licenciement. À cela s’ajoutera l’ARE, sous certaines conditions.

Toutefois, l’alcoolisme étant le plus souvent considéré comme une maladie non professionnelle, il ne sera pas possible de disposer de l’indemnité temporaire d’inaptitude.

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portrait Alexis Peschard

A propos de l'auteur :

Alexis PESCHARD est addictologue et le président-fondateur du cabinet GAE Conseil, cabinet aujourd’hui incontournable de la prévention des conduites addictives dans le monde du travail en France. Il dirige le Pôle Conseil en addictologie du cabinet et développe des projets en prévention primaire pour le compte de clients grands comptes et branches professionnelles. Il a fait l’objet de plusieurs centaines d’interviews en presse écrite, radios et chaînes de télévisions nationales. Il intervient enfin régulièrement dans le cadre de congrès scientifiques, journées d’études et est publié chaque année dans différentes revues RH, juridique... Il est l’auteur du livre « Tous accros aux écrans » publié aux éditions Mardaga.